Enchaîné à la liberté

Enchaîné à la liberté

Se morfondre dans les vieux souvenirs n’est en rien quelque chose d’utile, Nina le savait, mais qu’importe les bons conseils, on fait tous des erreurs. Pleurant sur le portrait en papier brillant de sa mère, la jeune hybride savait qu’elle n’avait personne, qu’elle n’avait jamais eu personne. Elle était un esclave et ce pour toujours. Elle avait vécu une existence confortable par le passé, la soumission a du bon, au moins on a besoin de vous. Personne ne nécessitait la présence de la jeune fille, elle se sociabilisait uniquement pour ses quelques assassinats, maintenant qu’elle vivait dans une planque exigüe de la ville basse elle se fondait dans la masse, le flot d’humanoïdes était trop important pour qu’on la repère, même pour de bonnes raisons. Son visage banal ne laissait aucune trace, elle savait faire en sorte d’être présente et invisible, n’être qu’un vague souvenir. Elle désirait pour autant devenir quelqu’un pour un autre. Qui sait, pourrait-elle un jour devenir agréable, avoir des conversations véritables, non-intéressées, légères et plaisantes.

Séchant ses larmes, elle hésita à prendre un sucre ou deux pour que sa tête tourne, oublier ses soucis…

Parfum estival

Elle déclina sa propre invitation repassa la main dans ses cheveux, arrangea son maquillage et prit le chemin pour les jardins de la ville haute. Ici, uniquement les gens de la haute étaient tolérés, elle avait le don pour se faire passer pour une aristocrate et en un rien de temps elle s’assit sur le banc donnant vu sur un jardin aux pétales roses et violacés. La couleur, les odeurs, elle se sentait chez elle. Elle n’avait jamais eu de chez-soi, son débarra qui ne contenait qu’un lit et quelques meubles rudimentaires ne pouvait faire office de doux foyer. Elle aspirait à mieux. Un mari, deux enfants, un animal de compagnie, un jardinet, un boulot lassant, des loisirs strictement limités, rien de tout cela n’était possible, surtout les enfants.

Elle voyait les petites filles tenant une poupée à la main, vêtues de robes dignes de tenues de soirée, les mères comblées et enceintes jusqu’au yeux, les hommes d’affaires aux mallettes remplies comme un sac de voyage et tout cela lui inspirait la jalousie.

Après quelques heures de rêveries, le soleil revitalisant et ses mauvaises pensées qui s’estompaient, la jeune femme décida de partir en quête d’un bon passe temps, elle parcouru la grande allée remplie de magasins. Elle ne trouva rien, les emplettes ne la rendaient pas plus heureuse et elle n’avait pas envie de devenir une de ces accros au shopping.

En ligne de mire

Tombée de la nuit, un en cas de bar commandé, quelques boissons, elle se tourna, le jeune homme assis dans la pénombre, visage à demi éclairé par les spots du bar à ambiance où il fallait avoir une solide carte de crédits pour entrer attirait son attention. Il semblait riche, peut-être contenterai-il la jeune femme avec son passe temps favori, plumer les hommes avec leur faiblesse, les femmes, en l’occurrence, Nina devenait la seule femme au monde pour ces derniers.

Pourquoi lui ? Elle pourrait se poser la question maintes fois plus tard et avoir des tonnes de remords, elle était frénétiquement appelée par le charme du jeune homme. Celle qui se fichait du désir ressentait autre chose. Les deux billes vertes de la jeune fille se dilataient, il était différent, peut-être pas un homme. Il sentait à vingt mètres l’aimant à nanas, pourtant aucune des bourgeoises n’avait fait main basse sur lui. Avait-il une place attitrée avec interdiction de s’approcher inscrit en lettrines d’or sur le dessus ? Certainement pas, il semblait être celui qui avait autre chose à faire de ses nuit que de les passer dans des endroits où l’on rit à des plaisanteries niaiseuses et où les conversations des gens tournent autour des biens matériels. Il possédait plus. Kaminsky avait un sentiment de déjà vu, comme si cet homme partageait un caractère commun avec les grands de ce monde, celui qu’on veut voir mais qu’on approche pas. Elle n’avait jamais obéit, ne serait-ce que par principe, cette fois encore elle dérogerait à la règle. Finissant son verre elle commanda une boisson à la couleur verte, un vert moins profond que ses yeux afin que le cocktail ne lui vole pas la vedette.

Elle se leva du siège haut pour rejoindre la banquette du charismatique solitaire et commença son approche comme à l’accoutumée. Les habitudes rendent l’inconnu moins effrayant.

« Merci pour le verre ! »

Crétin ou pas, il serait obligé de répondre, elle serait obligée de rétorquer son célèbre : « Si ce n’est pas vous, j’accepte le prochain quand même ! » ou une phrase de godiche habituelle, les hommes sont tellement prévisibles, les hommes sont tous les mêmes…

Après tout pourquoi les détestait-elle ? Son géniteur, certainement, leur envie de séduire également, une bonne partie aussi pour leur envie de passer pour les meilleurs, mais elle n’aimait pas pour autant les femmes, celles dont elle avait l’occasion d’observer le comportement en société n’étaient pas mieux…